Stratégie nationale de déploiement de la télémédecine: personne ne sait où on en est en 2016 !
Lors du congrès de la Société Française de Télémédecine, une session était dédié au bilan des 5 priorités définies en 2011.
Pour rappel, en 2011, une “stratégie nationale de déploiement de la télémédecine” a été lancée par le Ministère de la Santé et plus particulièrement la DGOS. A ce moment, 5 priorités sont définies bénéficiant d’un soutien méthodologique, institutionnel, et financier:
- permanence des soins en imagerie médicale
- prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC)
- santé des personnes détenues
- prise en charge d’une maladie chronique : insuffisance rénale chronique, insuffisance cardiaque, diabète…
- soins en structure médico-sociale ou en hospitalisation à domicile (HAD)
Un comité de pilotage avait été mis en place en Janvier 2011 dont “l’objectif principal des travaux était de diffuser à la fin du 1er trimestre 2012 un plan national de déploiement de la télémédecine”. Ce plan n’a jamais été publié, ce qui fait que l’on ne sait pas quels objectifs ont été fixés et quels moyens ont été dédiés pour la mise en oeuvre de la stratégie.
Ainsi, dans une première phase entre 2012 et 2014, la téléradiologie, le Télé-AVC, et la santé des personnes détenues ont eu un soutien important, notamment avec des accompagnements de l’ANAP ou de l’ASIP. Le Télé-AVC a même bénéficié d’un montant fléché de plus de 11 millions d’euros. Dans une second phase, entre 2014 et 2016, les deux dernières priorités ont été prises en compte dans l’expérimentation définie dans la LFSS pour 2014, avec une mise en oeuvre tardive, dont les derniers arrêtés viennent d’être publiés. Enfin, la LFSS pour 2017 étend ce dispositif à l’ensemble de la France, prolonge le programme d’un an, et simplifie à priori les démarches administratives.
L’ensemble des orateurs représentants les sociétés savantes concernées a exprimé le même constat: aujourd’hui, on ne sait pas vraiment quel est l’état réel du déploiement des usages de télémédecine en France.
La dernière enquête, comprenant de nombreux biais, remonte à 2012. Depuis 4 ans, il n’y a aucune autre données nationales disponibles sur le suivi de la mise en oeuvre des activités de télémédecine sur le territoire. Aucune donnée n’est ainsi disponible pour les 5 priorités de la stratégie, et encore moins sur la contractualisation des activités avec les ARS ou leur évaluation. Aucune données synthétiques sur les financements réalisés ne sont aussi disponibles.
Pourtant, une stratégie nationale E-santé a été diffusée, incluant la télémédecine, et les nouveaux cahiers des charges du programme ETAPES ont été publiés la semaine dernière. Les autorités sanitaires avancent ainsi à l’aveugle, en préparant des nouvelles stratégies sans avoir fait de bilan sur la stratégie précédente. Une structure privée ne fonctionnerait pas longtemps si elle fonctionnait de cette façon. Il est aussi donc impossible de connaitre l’impact et le retour sur investissement public ou à minima le déploiement des activités de télémédecine encouragées par la stratégie nationale de déploiement.
Alors que faire ?
Nous encourageons les sociétés savantes à recenser les activités en cours dans leur domaine de spécialité pour avoir une idée à minima de l’utilisation de la télémédecine. De son côté, l’association Agir pour la Télémédecine est en train de mettre en place une plateforme de recensement des activités de télémédecine.
Nous avons initié une démarche sur la recherche en télémédecine en France ayant abouti à la publication d’un article scientifique dans la revue European Research in Telemedicine, et nous encourageons la mise en place d’un observatoire ou registre de la recherche en télémédecine en France permettant de suivre les évaluations des activités conduites.
Nous encourageons la Société Française de Télémédecine, les associations de patients, ou tout autre groupe se sentant concerné par la télémédecine à demander des informations supplémentaires au ministère de la santé concernant le suivi des projets et des financements accordés depuis 5 ans pour la télémédecine.
Pourquoi ?
Parce qu’il n’est pas tolérable aujourd’hui en ces temps de contraintes budgétaires, de dépenser des dizaines voire centaines de millions d’euros d’argent public sans être en mesure de rendre des comptes sur l’efficacité et l’impact de ces dépenses pour le bénéfice des patients et des usagers.