Quand Charles Mérieux rêvait de télémédecine…
Dans ses mémoires intitulées « Le virus de la découverte », Charles Mérieux, grande figure du XXe siècle, évoquait ses rêves pour l’avenir de la santé.
Dans cet ouvrage paru en 1988, Dr. Charles Mérieux évoque les grandes étapes de sa vie qui l’ont notamment mené à diriger l’un des plus grands laboratoires du monde, à créer le laboratoire de haute sécurité P4 pour les virus émergents à Lyon, ou permettre la mise en place d’une campagne de vaccination de masse contre la méningite au Brésil en 1974 après avoir fait construire une usine spéciale pour la production du vaccin. Le diagnostic du premier cas de maladie à virus Ebola de l’épidémie touchant l’Afrique de l’Ouest a ainsi été réalisé dans le laboratoire P4 de Lyon en Mars 2014.
Docteur honoris causa des universités de Boston, Chicago et Montréal, Charles Mérieux est né en 1907 à Lyon, et a hérité en 1937 de l’Institut Mérieux fondé en 1897 par son père Marcel Mérieux, disciple de Louis Pasteur.
Très impliqué dans la médecine préventive, il a notamment développé le concept de vaccinologie dans les années 1970 avec Jonas Salk, inventeur du vaccin inactivé contre la poliomyélite, et créé l’I.D.E.A (Institut d’épidémiologie appliquée) afin de former des épidémiologistes de terrain français sur le modèle américain du CDC.
Concernant l’avenir de la santé et de son organisation, il évoque « la télématique » qui « nous donne des moyens formidables » et devrait « nous permettre de surveiller tous les malades à risque, tous les vieillards, à domicile ». Il ajoute que « de plus en plus, nous irons vers une organisation de ce type : on surveillera les malades à distances, ils resteront chez eux (ce qui est bien plus humain), et ils ne seront hospitalisés que pour les interventions d’urgence ». « Et j’y rêve » dit-il. « Mais cette révolution, je le sais, suppose un changement profond des mentalités qui demandera des années » ajoute-t-il.
Ainsi, ce grand visionnaire de la santé évoquait dès 1988 la nécessité d’opérer un changement organisationnel dans la prise en charge des patients avec ce qu’on appelait alors la télématique. Cet appel au changement est aujourd’hui mis en pratique avec le développement de la télémédecine. 27 ans après l’écriture de ces quelques lignes, de nombreux défis sont cependant encore devant nous afin de réaliser complètement la vision de Charles Mérieux.
Néanmoins, malgré quelques poches de résistance, les mentalités ont aujourd’hui évolué, et la télémédecine est de plus en plus acceptée et pratiquée en lien avec la démonstration de son efficacité et des bénéfices apportés aux patients, aux professionnels de santé, et à la société. Les personnes âgées résidant en EHPAD ont ainsi la possibilité d’avoir des téléconsultations, alors que les patients atteints de maladies chroniques peuvent bénéficier de la télésurveillance, qui permet une diminution des réhospitalisations en urgence dans certains cas.
Par ailleurs, il pensait « qu’un métier s’invente » dans le sens où « on ne commence vraiment à l’exercer qu’à partir du moment où […] on parvient, en tirant les leçons de la tradition qui vous a précédé, à lui découvrir de nouveau débouchés, à élargir sa perspective, à le prolonger d’une certaine façon, dans l’avenir ».
Ainsi, la télémédecine n’est-elle pas aujourd’hui de cette idée qui permet à la pratique traditionnelle de la médecine de continuer à s’inventer en élargissant sa perspective et l’inscrivant dans l’avenir ?