La HAS acte l'échec de l'expérimentation de financement de la télémédecine
Le 30 Janvier 2017, la Haute Autorité de Santé (HAS) a mis en ligne son rapport sur l’évaluation de l’expérimentation de financement de la télémédecine prévue dans la LFSS pour 2014.
Comme annoncé en Septembre dernier (Article du 26/09/2016), la HAS a rendu public son rapport d’évaluation de l’expérimentation de télémédecine. Ce rapport ne contient en fait aucun éléments d’évaluation des activités de télémédecine. En effet, “le démarrage des expérimentations n’étant pas effectif à ce jour, la HAS n’a pas été en mesure d’en réaliser l’évaluation”. Ainsi, en 3 ans, du 1er janvier 2014 au 31 Décembre 2016, l’expérimentation de télémédecine n’a pas été concrètement mise en oeuvre en pratique.
Dès lors, on comprend le délai d’un an donné à l’expérimentation dans la LFSS 2017, étant donné l’absence de données. On peut cependant douter de la pertinence des résultats en Septembre 2017 avec seulement un an de retour sur les activités. Par ailleurs, la mise en oeuvre du cahier des charges sur la télésurveillance des maladies chroniques rajoute une complexité et du travail aux différentes administrations nationales et régionales qui ne bénéficieront pas forcément de ressources supplémentaires.
Ce rapport préalable présente ainsi le cadre initial de l’expérimentation, l’évolution des modalités au cours des 3 années, ainsi qu’un premier recensement des activités en cours dans les régions. Le travail de la HAS a commencé en Décembre 2013, puis s’est intensifié en Avril 2014 par le lancement des groupes de travail qui ont permis un an après de définir le premier cahier des charges sur les plaies chroniques et/ou complexes.
La HAS rappelle que l’évaluation a été conçue pour permettre d’aider la prise de décision des pouvoirs publics sur la généralisation de l’usage de télémédecine. Le cadre conceptuel retenu était ainsi l’approche multi-dimensionelle se basant sur la matrice d’impact publié par la HAS en 2013. L’objectif était de permettre de donner un jugement global sur l’impact des projets de télémédecine.
Or, “l’article 57 de la LFSS pour 2015, en modifiant les articles L162-1-7-1 et L. 162-1-8 du Code de la sécurité sociale” a changé la donne en prévoyant pour des actes avec expérimentations, une inscription accélérée si un impact significatif selon une évaluation médico-économique (dont le décret définissant les modalités précises n’est pas encore publié selon la HAS) est apportée. De plus, l’élargissement du cahier des charges en 2016 a impliqué “de passer d’une logique « projet de télémédecine » en lien avec la prise en charge d’une pathologie en réponse aux besoins de santé et à l’offre de soins à une logique « acte de télémédecine » transverse à plusieurs pathologies”.
Par conséquent, la HAS indique dans la conclusion de son rapport que “les données recueillies dans le cadre des expérimentations prévues par l’article 36 n’étaient pas destinées à évaluer le service attendu des actes de télémédecine”, il ne sera pas possible de déterminer “un service attendu suffisant (nécessaire pour l’inscription des actes de télémédecine sur la liste des actes et prestations), compte tenu des dispositions de l’article R.162-52-1 16 du code de la sécurité sociale”.
En analysant les annexes du rapport, on se rend en fait compte, qu’aucune des 9 régions n’a de projets fonctionnels pour la prise en charge des plaies chroniques et/ou complexes dans le cadre de l’expérimentation. L’Alsace avait 1 projet hors expérimentation, la Bourgogne avait 4 projets non spécifiques aux plaies, le Centre n’a pas de données, la Basse-Normandie et le Languedoc-Roussillon avait le projet Domoplaies situé hors expérimentation, la Haute-Normandie tentait de démarrer un projet similaire à Domoplaies, la région Pays de la Loire avait 2 projets hors expérimentation, la Picardie avait un projet non fonctionnel, et la Martinique avait un projet en démarrage. Enfin, le tableau détaillant les activités de télémédecine recensées dans les 9 régions hors plaies chroniques et/ou complexes ne mentionne pas l’inclusion de ces projets dans le cadre du cahier des charges de 2016.
En résumé, le rapport de la HAS permet de comprendre que l’expérimentation se déroule dans un contexte avec une stratégie initiale révisée car jugée non réaliste, un objectif initial changé, une modification de la législation impactant l’objectif de l’évaluation, une impossibilité d’évaluer le service attendu, une méthodologie complexe impliquant de nombreux acteurs et indicateurs avec de potentiels biais, un absence de démarrage, et aucune données d’évaluation 3 ans après le lancement.
Ce rapport montre ainsi la réalité de la technocratie sanitaire française qui n’a produit aucun résultat concret au bénéfice de la population pendant 3 ans. La complexité de la gouvernance et de la réglementation mise en oeuvre est un des facteurs clés de cet échec. Pourtant, au lieu d’analyser les raisons de l’échec au niveau politique au sein du Ministère de la Santé et de la DGOS, car la HAS a réalisé correctement le travail qu’on lui a demandé de faire, un nouveau cahier des charges a été publié en Décembre 2016, dont nous avons soulevé aussi les limites (Article du 22/12/2016).
Pour simplifier le processus d’évaluation tout en permettant une évaluation rigoureuse de chaque projet ou acte ou dispositif de télémédecine, nous encourageons ainsi fortement les pouvoirs publics à financer des projets de recherche académiques sur l’évaluation des activités de télémédecine en France quasi-inexistants à ce jour, dont les résultats seront jugés par la communauté scientifique avant d’être évalués par la HAS.