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La télémédecine évoquée mais mal appréhendée dans un rapport du Sénat

Le Senat a émis en mai 2015 un rapport appelé “Le numérique au service de la santé” suite à une audition publique réalisée en 2014.

Ce rapport a été réalisé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, composé de sénateurs et de députés, et présidé par M. Jean-Yves LE DÉAUT, député. L’audition dont rend compte ce rapport a été organisée suite à la saisie de l’Office du thème du numérique au service de la santé en Février 2014 par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Nous nous intéressons particulièrement à la place accordée à la télémédecine dans ce rapport.

 

 

Tout d’abord, quelques données factuelles: le mot télémédecine revient 21 fois dans l’ensemble de ce rapport, avec la plupart du temps une simple mention sans développements ou explications complémentaires. Par ailleurs, de façon globale, seuls des exemples de projets sont discutés, sans aucune données de résultats scientifiques présentées qui pourraient apporter la preuve du bénéfice pour la santé.

M. Bruno SIDO, sénateur, l’évoque pour commencer dans son introduction. Il dit ainsi que la e-santé “concerne des domaines comme la télémédecine (avec la téléconsultation, la télésurveillance et la télé-radiologie, …), la prévention, le maintien à domicile, le suivi d’une maladie chronique à distance (diabète, hypertension, insuffisance cardiaque, …), les dossiers médicaux électroniques ainsi que leurs applications et la domotique, en passant par la création de textiles intelligents. On parle également de « mHealth », ou santé mobile, pour les applications de santé sur téléphone portable”.

L’acte de télémédecine (téléconsultation et télésurveillance) est mis au même niveau qu’une pratique médicale (téléradiologie) pouvant utiliser plusieurs actes de télémédecine, ce qui peut être source de confusion. De plus, la prévention est citée au même niveau que la télémédecine ou la domotique. Un concept de santé publique (la prévention) est ainsi mis sur le même pied que des outils (pratique médicale de télémédecine ou technologie domotique) qui permettraient de faire de la prévention à l’échelle individuelle ou collective. Enfin, la m-health est traitée dans sa façon la plus réductionniste qu’il soit, en ne parlant que d’applications santé (produit), et de téléphone portable (support), alors que la définition de la m-santé (pourquoi ne pas utiliser les termes français, d’autant plus au Sénat ?) correspond à la pratique de la médecine et de la santé publique supportée par des dispositifs mobiles. En ce sens, il ne s’agit pas forcément d’applications ni de téléphones. De fait, l’introduction faite par le sénateur est relativement peu rigoureuse voire fausse.

Ensuite, M. Christian SAGUEZ, membre de l’Académie des technologies, commission TIC, indique qu’il “souhaite aujourd’hui” se “concentrer sur un autre champ, celui de la télémédecine”. Cependant, il continue la phrase suivante en parlant de la “domo-médicine”, concept qu’il a développé lui-même en 2009 avec des “collègues de l’Académie”. Certes, la prise en charge à domicile par la domotique est une chose importante, mais la pratique de la médecine à distance (télémédecine) à partir du domicile du patient, ne passe pas nécessairement par la domotisation du domicile. Une confusion est ainsi introduite entre une pratique médicale définie par le Code de la Santé Publique, et une réflexion voire un ou des projets concernant l’utilisation de technologies pour la santé au domicile.

Une remarque intéressante est ensuite réalisé par un industriel, M. Eric THIBAULT, directeur de B-COM, qui reconnaît clairement que les industriels ont trop poussé pour l’usage des technologies en “oubliant les besoins premiers des patients”. 

A la 8e mention du mot télémédecine, M. Serge BERNARD, directeur général, hôpital Annecy Genevois, évoque le premier un réel projet concret de télémédecine, concernant le projet de Télé-AVC en région Rhône-Alpes initié par des cliniciens. Malheureusement, à cette période, presque aucun usage de la solution n’avait été réalisé ni aucune télé-thrombolyse. 

M. Nicolas BRUN, président d’honneur, Collectif inter-associatif sur la santé (CISS), interpelle par la suite les membres de la table ronde en indiquant que “certains patients interprètent la télémédecine comme une médecine de deuxième zone”. Il suggère ainsi à juste titre que “peut-être faudrait-il désormais éduquer les populations à la potentielle valeur ajoutée du numérique” et qu’au “lieu de se concentrer sur les économies, le débat devrait davantage porter sur le champ de la santé auquel les patients auraient accès grâce au numérique”.

Mme Michèle SÉRÉZAT rappelle cependant que “la crainte du caractère inflationniste va jusqu’à ralentir la mise en place de nomenclature de remboursement pour les organismes de prise en charge. Cette question d’ordre financière est pourtant tout à fait indépendante de l’intérêt et la pertinence de la télémédecine pour l’accès aux soins”. En effet, comme nous l’avons maintes fois rappelé l’obstacle principal au déploiement généralisé de la télémédecine en France est aujourd’hui la prise en charge financière de cette activité, qui à notre sens devrait bénéficier de différents type de rémunération selon le contexte (acte, forfait, performance, nouveaux modes de rémunération).

Enfin, d’autres exemples de télémédecine sont cités par M. Christian HUART, ARS Picardie, tels que la télémédecine en EHPAD ou pour la prise en charge des plaies complexes.

On constate ainsi que la télémédecine, sa définition, ses enjeux, et sa pratique ne sont pas encore bien compris et cernés par l’ensemble des parties prenantes, qui la citent plus à titre d’exemple que de réelle pratique médicale innovante de santé correspondant à une réalité bien établie.

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